La découverte de l’effet de serre

L’effet de serre a été mis en évidence au cours du 19e siècle par les travaux successifs de Joseph Fourier (1768 – 1830), Claude Pouillet (1790 – 1868) et John Tyndall (1820-1893). 

Célèbre pour ses travaux sur la propagation de la chaleur (Théorie de la propagation de la chaleur dans les solides, 1807 ; Théorie analytique de la chaleur, 1822), Joseph Fourier émet l’hypothèse que les gaz atmosphériques augmenteraient la température de la surface terrestre (Annales de chimie et de physique, 1824). 

La température du sol est augmentée par l’interposition de l’atmosphère, parce que la chaleur solaire trouve moins d’obstacles pour pénétrer l’air, étant à l’état de lumière, qu’elle n’en trouve pour repasser dans l’air lorsqu’elle est convertie en chaleur”.

Ses travaux sont repris par Claude Pouillet, physicien et enseignant réputé de l’Université de Paris. En 1837, il met au point le pyrhéliomètre, un instrument permettant de mesurer la quantité d’énergie solaire reçue sur Terre et publie l’année suivante son Mémoire sur la chaleur solaire, sur les pouvoirs rayonnants et absorbants de l’air atmosphérique et sur la température de surface :

« Les théorèmes relatifs à l’émission de la chaleur permettent de déterminer les conditions d’équilibre de température de l’atmosphère ; pour cela nous allons considérer d’une manière générale les conditions d’équilibre de température d’un globe protégé par une enveloppe (diathermane) au milieu d’une enceinte sphérique […]. Toutes les enveloppes diathermanes qui exercent des pouvoirs absorbants égaux sur les rayons de chaleur du globe et de l’enceinte, n’empêchent pas que, pour l’équilibre, le globe et l’enceinte ne doivent pas avoir exactement la même température, comme si l’enceinte diathermane n’existait pas. […] Quant à la température de l’enveloppe diathermane elle-même, […] elle ne peut être égale à celle du globe et de l’enceinte que sous la condition que […] le pouvoir émissif de cette enveloppe soit égal à son pouvoir absorbant ; c’est ce qui arrive, en effet, pour le sel gemme et pour l’air. Mais ces conditions ne se trouvent plus remplies, quand l’enveloppe diathermane exerce des pouvoirs absorbants inégaux sur la chaleur de l’enceinte et sur celle du globe, le principe de l’égalité des températures cesse d’être vrai, et, aussitôt, il se manifeste alors, contrairement aux lois ordinaires de l’équilibre, des différences plus ou moins considérables entre les températures du globe, de l’enceinte et de l’enveloppe. Il en résulte, par-exemple, que si l’enveloppe diathermane absorbe seulement les 3/10 de la chaleur de l’enceinte et les 8/10 de celle du globe, la température du globe surpasse alors de 45,5 °C celle de l’enceinte et de 59,5° celle de l’enveloppe, qui se trouve ainsi à 14° au-dessous de la température de l’enceinte elle-même […]. Quant à la chaleur solaire, il n’existe aucun doute : on sait qu’en traversant les substances diathermanes, elle est moins absorbée que la chaleur qui provient des différentes sources terrestres dont la température n’est pas très haute. Il est vrai qu’on n’a pu en faire l’expérience que sur des écrans diathermanes solides ou liquides, mais l’on regarde comme certain que la couche atmosphérique agit à la manière des écrans de cette espèce, et qu’en conséquent elle exerce sur les rayons terrestres une plus grande absorption que sur les rayons solaires […]. L’inégalité d’absorption dont il s’agit tient donc à des propriétés particulières que prennent les rayons de chaleur lorsqu’ils sont émis par des sources d’une température plus ou moins haute. » 


Questions de lecture

Le terme « diathermane » caractérise un corps qui laisse passer la chaleur transmise par rayonnement (ex. rayonnement solaire ou thermique infrarouge). L’enveloppe diathermane représente l’atmosphère du globe terrestre. Elle absorbe les rayons solaires et infrarouges. Cette absorption est d’autant plus importante pour les rayons infrarouges. Ainsi, l’atmosphère agit comme un « écran » sur les rayons terrestres. 

Comme l’explique Pouillet dans son mémoire de 1838, l’atmosphère agit comme une vitre qui absorbe d’avantage les rayons thermiques terrestres que les rayons solaires. Delà est faite l’analogie avec le réchauffement d’une serre vitrée. Les rayons solaires traversent le médium et réchauffe le sol. Celui-ci émet en retour de la chaleur portée par un rayonnement infrarouge. Le rayonnement se propage dans l’atmosphère confinée et atteint les parois vitrées qui se comportent cette fois comme un écran opaque. La chaleur est alors redirigée vers le sol ce qui accroît son échauffement et contribue à maintenir une température élevée dans l’air ambiant. 

L’atmosphère se comporte de façon analogue au vitrage d’une serre horticole mais elle n’est pas parfaitement opaque aux rayons infrarouges. Elle piège une partie des rayons infrarouges mais certains parviennent à la traverser et s’échappe hors du champ terrestre. 

240 W/m². En effet, la Terre est un système en équilibre radiatif. Ainsi, la puissance moyenne du rayonnement qu’elle reçoit de l’espace est égale à celle qu’elle émet. 

Les travaux d’Arrhenius

Le 19e siècle est également marqué par la mise en évidence des âges glaciaires, par les géologues de renom, comme Louis Agassiz (1807-1873). Toutefois, si le phénomène est bien attesté par les observations de terrain, de nombreuses questions restent en suspens quant à leur origine. Dans les années 1890, le chimiste suédois Svante Arrhenius (1859-1927) décide de se pencher sur la question. Professeur à l’université d’Uppsala (Suède), Arrhenius est connu pour ses travaux sur la conductivité des solutions électrolytes, étude qui lui vaudra le prix Nobel en 1903. Mais le chimiste a également entendu parler des travaux du physicien Joseph Fourier (1768-1830) et de sa Théorie analytique de la chaleur, des mesures de la constante solaire effectuées par Claude Pouillet (1790-1868), et de l’identification par John Tyndall (1820-1893), de certaines molécules à effet de serre.

“A great deal has been written on the influence of the absorption of the atmosphere upon the climate. Tyndall in particular has pointed out the enormous importance of this question. To him it was chielfy the diurnal and annual variations of the temperature that were lessened by this circumstance. Another side of the question, that has long attracted the attention of physicists, it this : Is the mean temperature of the ground in any way influenced by the presence of heat-absorbing gases in the atmosphere ? Fourier maintained that the atmosphere acts like the glass of a hothouse, because it lets through the light rays of the sun but retains the dark rays from the ground. This idea was elaborated by Pouillet.” (Arrhenius, On the influence of carbonic acid in the air upon the temperature of the ground, 1896).

Dans un premier temps, Arrhenius décide d’évaluer avec précision les coefficients d’absorption de l’acide carbonique et de la vapeur d’eau, soumis à un rayonnement thermique infrarouge. Puis, il estime la capacité de rétention thermique de l’atmosphère terrestre pour différentes concentrations en H2O et CO2 et la température d’équilibre radiatif associée. Il constate que celle-ci est fonction de la capacité d’absorption thermique de l’atmosphère, mais aussi de la réflectance du sol. Pour finir, Arrhenius décide d’estimer les variations de température atmosphérique relatives à une variation de la concentration en gaz carbonique, ce qu’on appelle aujourd’hui la sensibilité climatique. De ses calculs, il déduit ceci :

“The influence is nearly the same over the whole earth. The influence has a minimum near the equator, and increases from this to a flat maximum that lies the further from the equator the higher the quantity of carbonic acid in the air (…). The influence is in general greater in the winter than in the summer, except in the case of the parts that lie between the maximum and the pole (…). On account of the nebulosity of the Southern hemisphere, the effect will be less than in the Northern hemisphere. An increase in the quantity of carbonic acid will of course diminish the difference in temperature between day and night. A very important secondary elevation of the effect will be produced in those places that alter their albedo by the extension or regression of the snow-covering, and this secondary effect will probably remove the maximum effect from lower parallels to the neighborhood of the poles. We may now inquire how great must the variation of the carbonic acid in the atmosphere be to cause a given change of the temperature (…). If the quantity of carbonic acid increases in geometric progression, the augmentation of the temperature will increase nearly in arithmetic progression.”

Selon ses calculs, un doublement de la concentration de CO2 engendrerait une élévation de la température moyenne de 4°C. Bien que cette estimation soit inexacte, l’étude d’Arrhenius a le mérite de fournir une estimation de la sensibilité des températures terrestres à un changement de la concentration en dioxyde de carbone. Les travaux d’Arrhenius montrent également qu’à l’époque, les scientifiques étaient déjà conscients du fait que les activités industrielles émettaient de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. A l’époque, ce phénomène n’inquiétait pas outre mesure car les scientifiques craignaient plutôt un nouvel âge glaciaire.

“The world’s present production of coal reaches in round numbers 500 millions of tons per annum, or 1 ton per km² of the earth’s surface. Transformed into carbonic acid, this quantity would correspond to about a thousandth part of the carbonic acid in the atmosphere.”

En conclusion

L’effet de serre se produit naturellement lorsque le rayonnement solaire et les gaz dits “à effet de serre”, tels que le dioxyde de carbone, la vapeur d’eau mais aussi le méthane ou les oxydes nitreux, sont amenés à interagir. Ce mécanisme est analogue au processus qui se déroule dans une serre de jardin ou dans une véranda. Ces structures emprisonnent une large portion des rayons infrarouges émis par le sol, les êtres vivants, les plantes et réduisent le refroidissement de l’air ambiant.

Dans l’atmosphère, l’excitation moléculaire des molécules soumises au rayonnement thermique infrarouge se traduit à l’échelle macroscopique par l’augmentation de la température du milieu, l’émission d’un rayonnement thermique dans toutes les directions de l’espace et donc un réchauffement local de l’air ambiant. Par ce processus, le rayonnement thermique émis par la Terre est donc piégé dans les basses couches atmosphériques par certains composés tels que l’eau H2O, le dioxyde de carbone CO2, le méthane CH4, les oxydes nitreux NOx…