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 Avant le 19e siècle, on trouve très peu de trace d’une idée que nous appelons maintenant les variations climatiques. Pourtant, une grande partie de l’histoire humaine s’est déroulée au cours de variations climatiques du Quaternaire.

Des témoignages historiques appuient par-ailleurs la théorie des âges glaciaires en Europe datant de l’époque médiévale, relatent une période climatique relativement douce entre les 9e et 11e siècles, tandis que le 17e – 19e siècle sont marqués par un climat rude, des températures anormalement basses, entraînant des mauvaises récoltes et des disettes. Aujourd’hui, ces périodes sont respectivement appelées l’Optimum climatique médiévale (9e – 11e siècles) et le Petit âge glaciaire (17e – 19e siècles).

Aujourd’hui, nous savons que le climat a connu des variations importantes par le passé et que l’Holocène, période géologique à laquelle nous les hommes, somment apparus, est caractérisée par de faibles variations climatiques depuis 8200 ans au regard des variations antérieures.

1. Observation des dépôts glaciaires

A la fin du 18e siècle, Horace Bénédicte de Saussure (1740-1799), géologue et alpiniste, observe la présence de dépôts glaciaires en fond de vallée. Il émet l’hypothèse que cette position très en aval du glacier pourrait être due à des fluctuations de l’extension des surfaces glacées. Ces dépôts glaciaires sont aussi appelés moraines, terme qui provient du savoyard morena, “renflement de terre”.

>> Une moraine est une accumulation très complexe de débris rocheux détachés des versants de la montagne et véhiculé en aval du glacier. Certaines sont observable au cours de leur transport, sur ou dans la glaces. D’autres sont déposées sur le sol sous-jacent lors de la fonte du glacier et amenées à formées un empilement rocheux. Les moraines présentent des aspects très divers en fonction de leur mode de formation. Elles se caractérisent toutefois par une absence de stratification et une hétérogénéité granulométrique.

On parle de moraine construite lorsque le dépôt prend la forme d’une crête allongée, appelée crête ou cordon morainique. Ces moraines sont formées principalement par accrétion de matériaux sur les côtés et au front du glacier. L’accrétion résulte autant de la chute des matériaux supra-glaciaires que de la remontée des débris sous- et intra-glaciaires le long des contacts entre les lames de glace.

Moraine latéro-frontale du glacier des Audannes (Vallée de la Liène)

 De ses observations, Saussure déduit que les limites des glaciers ont fluctué. Dans son ouvrage Voyages dans les Alpes, il conclut “Ce n’est qu’après avoir rassemblé beaucoup de fait que l’on pourra décider avec certitude si la masse totale des glaces augmente, diminue, ou demeure constamment la même”. Cette conclusion ne l’amène pas à envisager d’éventuels changements climatiques passés. Mis à part Saussure, peu de savants avaient pratiqué des observations dans les chaînes alpines.

Certains habitants avaient constaté que des stries de roches visibles aux bords des vallées témoignaient du travail d’érosion des glaciers de jadis. Cette observation a été clairement exprimée par Jean-Pierre Perraudin (1767-1858), un paysan du Valais (Suisse) , dans “Observations faites par un paysan de Lourtier” : “Ayant depuis longtemps observé des marques ou cicatrices (elles sont toutes dans la direction des vallons) faites sur du roc vif et qui ne se décompose pas, et dont je ne connaissais pas la cause, j’ai enfin, en m’approchant des glaciers, jugé qu’elles étaient faites par la pression ou pesanteur desdites masses dont je trouve des marques au moins jusqu’à Champsec. Cela me fait croire qu’autrefois la grande masse de glace remplissait toute la vallée de Bagne et je m’offre à le prouver aux curieux par l’évidence, en rapprochant lesdites traces de celle que les glaciers découvrent à présent. Par l’observateur Jean-Pierre Perraudin.”

2. La théorie des âges glaciaires

C’est un ingénieur du nom de Ignace Venetz (1788-1859) qui, ayant eu des contacts avec Perraudin, émit le premier l’hypothèse que les glaciers de la région avaient, par le passé, occupé un espace beaucoup plus grand qu’aujourd’hui. Il exprima cette idée en 1821 devant la Société helvétique des sciences naturelles en lisant un mémoire qu’il ne publia qu’en 1833.

Ses argumentations suscitent la désapprobation générale, mais il arrive à convaincre le géologue Jean de Charpentier. Celui-ci commence alors des recherches sur les terrains erratiques de la vallée du Rhône et ses observations le mènent notamment dans la région de Monthey, où il étudie les gigantesques blocs erratiques de la région (le plus grand, la Pierre des Marmettes, a un volume de 1824 mètres cubes).

La Pierre des Marmettes, étudiée par De Charpentier dans son « Essai sur les glaciers et sur les terrains erratiques du bassin du Rhône » de 1841.

En 1834, De Charpentier présente ses observations devant la Société helvétique. Dans l’auditoire, se tient un jeune paléontologue du nom de Louis Agassiz (1907-1873). Agassiz est déjà connu pour ses travaux sur les poissons fossiles. D’abord sceptique devant l’hypothèse de Charpentier, il est ensuite convaincu par les preuves apportées par les observations de terrain. Il généralise alors l’idée d’une période au climat beaucoup plus froid que celui d’aujourd’hui, ayant permis l’extension des glaciers sur l’ensemble du massif alpin et sur des montagnes d’autres pays. A cette période, on donna le nom d’âge de la glace ou Eiszeit.

Extraits de Sur l’étude des glaciers

“Jusqu’alors les faits qui attestent une plus grande extension des glaciers que celle qu’ils ont aujourd’hui, se trouvaient circonscrits dans les limites des vallées intérieures des Alpes et n’attestaient positivement leur présence que jusque dans le bassin du Léman”

“Il est assez difficile de se faire une juste idée des glaciers lorsqu’on n’en a pas vu; et même lorsqu’on les a examinés de près”

“L’apparition de ces grandes nappes de glace a dû entraîner à sa suite l’anéantissement de toute vie organique à la surface de la terre. Le sol de l’Europe, orné naguère d’une végétation tropicale et habité par des troupes de grands éléphants, d’énormes hyppopotames et de gigantesques carnassiers, s’est trouvé enseveli subitement sous un vaste manteau de glace recouvrant indifféremment les plaines, les lacs, les mers et les plateaux […] Mais cet état de chose eut sa fin, une réaction s’opéra : les masses fluides de l’intérieur de la terre bouillonèrent encore une fois avec une grande intensité ; leur action se fit sentir dans la direction de la chaîne principale des Alpes, dont les roches furent altérées de diverses manières et soulevées jusqu’à hauteur actuelle, avec la croûte de glace qui les recouvrait; celle-ci fut même disloquée comme une formation rocheuse ordinaire. D’énormes débris de rochers se détachèrent alors simultanément des crêtes qui dominaient la nappe de glace, comme, par exemple, du Mont-Blanc, dont le soulèvement est antérieur à celui des Alpes occidentales, et des brisures que l’apparition de la chaîne principale des Alpes venait occasionner à l’extrémité du massif du Mont-Blanc et dans toute la partie centrale et orientale de la chaîne. Une fois gisant à la surface du massif de glace qui remplissait l’espace compris entre les Alpes et le Jura, ces débris s’y sont mus comme à la surface d’un grand glacier.”

“Les moraines proprement dites ne commencèrent à se déposer que du moment que les glaces se furent retirées dans les vallées. La forme et la succession de ces moraines nous prouvent que ce retrait des glaces, loin d’avoir été instantané, s’est, au contraire, opéré d’une manière lente et graduelle; d’où je conclus que l’époque de la plus grande extension des glaces a dû durer assez longtemps.”