Au regard des temps géologiques, l’Holocène (-10 000 av. J-C. à nos jours) est une période climatique stable, caractérisée par une température moyenne de 15°C et des variations de l’ordre de +/- 1°C. Toutefois, les deux dernières décennies sont marquées par un accroissement rapide de la température globale (+1.1 °C par rapport à la période 1850-1900 pour l’année 2019, selon les chiffres du Ministère de la Transition Ecologique) et du niveau moyen des océans (+ 0.16 m entre 1902 et 2015, selon le rapport du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, publié en 2019).

Une révolution énergétique...

... qui perturbe l'équilibre climatique

Dès 1930, le réchauffement global a été mis en relation avec l’augmentation des rejets de dioxyde de carbone, un puissant gaz à effet de serre dont la teneur dans l’air ambiant impacte directement la température [Arrhenius, 1896 ; Callendar, 1938 ; Keeling, 1970]. Par la suite, cette corrélation a été confirmée par les travaux du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC).

Augmentation des rejets de CO2 et des températures

Les premières corrélations

Les travaux de Charles Keeling à Mauna Loa

Dans les années 1950, les dispositifs de mesures de la composition atmosphérique progressent. Il faut attendre les années 1960 avant l’obtention des premières longues séries de mesures fiables de la concentration atmosphérique en gaz carbonique grâce aux travaux du physicien américain Charles Keeling. Celui-ci mène, depuis 1958, une campagne de mesures à la station d’observation de Mauna Loa, sur l’île de Hawaï.

Les relevés de Keeling montrent une augmentation régulière de la concentration atmosphérique en gaz carbonique (+3.4/100 entre 1958 et 1967). Des observations réalisées au Pôle Sud montrent un taux de croissance similaire, ce qui suggère une augmentation globale de la concentration en CO2, et non locale.

Reprenant les hypothèses émise par des travaux antérieurs, Keeling s’interroge sur l’existence d’un lien entre l’augmentation de la concentration moyenne en CO2 et l’accroissement de la consommation d’énergie produite par la combustion de combustibles fossiles (charbon, pétrole…).

Les années 1970

En 1973, Keeling publie son analyse des relevés effectués à Mauna Loa sous le titre évocateur Is Carbon Dioxide from Fossil Fuel Changing Man’s Environment ? Il en tire la conclusion suivante : “Pendant la majeure partie de l’existence de l’homme sur Terre, le combustible était le bois et d’autres plantes qui avaient poussé quelques années seulement avant d’être incinérées. L’effet de cette combustion était négligeable sur la composition atmosphérique parce qu’il ne faisait qu’accélérer le transfert de carbone de l’atmosphère à la biosphère. Mais au cours des deux derniers siècles, les hommes ont commencé à brûler des combustibles fossiles emprisonnés dans les roches sédimentaires et cette combustion a largement augmenté la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone.” 

Par ailleurs…

Les résultats de Keeling suscitent de vives inquiétudes au sein de la communauté scientifique et dans la sphère politique. On s’interroge. Quelles seront les conséquences de l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre sur le climat ?

Au moment de la publication de l’étude de Keeling, Syukuro Manabe et Richard Wetherald, deux scientifiques de l’université de Princeton, élaborent l’un des premiers modèles globaux de climat. Le modèle calcule l’état de l’atmosphère en fonction du rayonnement solaire, des vents induits, des effets de topographie et du couvert nuageux, sans encore prendre en compte l’effet des courants moyens. Bien que le modèle soit une représentation simplifiée des processus climatiques, il permet au deux chercheurs de fournir la première évaluation des impacts d’un éventuel doublement de la concentration de gaz carbonique sur le climat global. D’après les auteurs, le doublement de CO2, c’est-à-dire le passage de 300 à 600 ppm, engendrerait une élévation de température globale de 2°C dans les basses couches de l’atmosphère (situées entre 0 et 17 km en moyenne) et un refroidissement au-delà.

Wetherald et Manabe soulignent également de fortes disparités régionales. Ainsi, l’élévation des températures de la basse atmosphère serait deux à trois fois plus élevée dans les régions polaires. Ceci vient du fait que la fonte des surfaces enneigées ou glacées amoindrit leur capacité de réfléchissement des rayons lumineux. Par conséquent, elles absorbent davantage de rayonnement solaire, ce qui accélère d’autant plus leur fonte et le réchauffement local. Wetherald et Manabe soulignent toutefois que leur modèle est une représentation très simplifiée des processus réels. En particulier, ils considèrent une couverture nuageuse fixe ce qui est loin d’être réaliste.

The effect of doubling CO2 concentration on the climate of a Global Climate Model (1975)
Extraits

“It is shown that the CO2 increase raises the temperature of the model troposphere, whereas it lowers that of the model stratosphere. […] the increase of surface temperature in higher latitudes is magnified due to the recession of the snow boundary and the thermal stability of the lower troposphere which limits convective heating to the lowest layer. It is also shown that the doubling of carbon dioxide significantly increases the intensité of the hydrologic cycle of the model.”

“This warming in higher latitudes is magnified two to three times the overall amount due to the effects of snow cover feedback and the suppression of vertical mixing by a stable stratification. […] A more active hydrologic cycle is obtained as indicated by the greater rates of total precipitation and evaporation computed. […] In evaluating these results, one should recall that the current study is based upon a model with a fixed cloudiness.”

Parallèlement aux travaux menés par Manabe et Wetherald, l’administration Carter commande un rapport à l’Académie des Sciences américaine pour évaluer l’impact des activités humaines sur l’équilibre climatique. La coordination de l’étude est confiée à Jule Charney, un grand météorologue américain qui travaille alors au prestigieux MIT sur les courants marins et la formation des ouragans. 

Les résultats de l’étude coordonnée par Jules Charney sont publiés en juillet 1979, sous le titre “Carbon Dioxide and Climate: A Scientific Assessment”. Ses auteurs rappellent tout d’abord que la concentration atmosphérique de CO2 a augmenté de 20 ppm entre 1958 et 1979. Puis, en supposant que le taux d’émissions soit maintenu constant, ils projettent que la température de surface globale augmentera de 2 à 3.5°C d’ici la fin du XIXe siècle. Le rapport détaille ensuite les impacts climatiques tels que le phénomène d’amplification polaire, c’est-à-dire l’accélération du réchauffement aux Pôles en raison de la disparition du manteau neigeux, l’intensification du cycle hydrologique… Cette dernière pourrait mener à une augmentation de la concentration en vapeur d’eau laquelle, par effet de serre, pourrait amplifier le réchauffement global. Les auteurs mettent enfin l’accent sur les incertitudes qui demeurent vis-à-vis de l’impact de certains processus physiques sur les variations de la température globale, tels que le stockage et le transport de chaleur par les océans ou l’effet des nuages. Pour ces processus, les auteurs du rapports soulignent que des recherches plus approfondies seront nécessaires.

Carbon Dioxide and Climate: A Scientific Assessment (1979)
National Research Council. Washington, DC: The National Academies Press
Extraits

“We have examined the principal attempts to simulate the effects of increased atmospheric CO2 on climate. In doing so, we have limited our considerations to the direct climatic effects of steadily rising atmospheric concentrations of CO2 and have assumed a rate of CO2 increase that would lead to a doubling of airborne concentrations by some time in the first half of the twenty-first century.

“Such a rate is consistent with observations of CO2 increases in the recent past and with projections of its future sources and sinks. (…) When it is assumed that the CO2 content of the atmosphere is doubled and statistical thermal equilibrium is achieved, the more realistic of the modeling efforts predict a global surface warming of between 2°C and 3°C, with greater increases at high latitudes. This range reflects both uncertainties in physical understanding and inaccuracies arising from the need to reduce the mathematical problem to one that can be handled by even the fastest available electronic computers. It is significant, however, that none of the model calculations predicts negligible warming.” 

“One of the major uncertainties has to do with the transfer of the increased heat into the oceans. It is well known that the oceans are a thermal regulator, warming the air in winter and cooling it in summer (…).It seems to us quite possible that the capacity of the deeper oceans to absorb heat has been seriously underestimated (…). If this is so, warming will proceed at a slower rate until these intermediate waters are brought to a temperature at which they can no longer absorb heat.”

“The warming will be accompanied by shifts in the geographical distributions of the various climatic elements such as temperature, rainfall, evaporation and soil moisture. The evidence is that the variations in these anomalies with latitude, longitude, and season will be at least as great as the globally averaged changes themselves, and it would be misleading to predict regional climatic changes on the basis of global or zonal averages alone. At present, we cannot simulate accurately the details of regional climate and thus cannot predict the locations and intensities of regional climate changes with confidence. This situation may be expected to improve gradually as greater scientific understanding is acquired and faster computers are built. 

Le dérèglement climatique

Créé en 1988, sur instance de l’Organisation Mondiale de la Météorologie et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le GIEC est un comité constitué de scientifiques experts des questions climatiques, d’économistes et de sociologues. Sa mission est d’étudier les causes, les impacts et les pistes d’atténuation du changement climatique. Ainsi, tous les 6 ans, le GIEC publie un rapport d’analyse, accompagné d’un document de synthèse à destination des politiques publiques.

Paru en 2014, le dernier rapport du GIEC réaffirme la responsabilité humaine vis-à-vis du réchauffement actuel. Ainsi “l’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie, et ce, sur la base de données concernant l’augmentation des concentrations en gaz à effet de serre dans l’atmosphère”.

Ce réchauffement s’accompagne d’une augmentation du contenu thermique des océans, d’un recul dramatique de la surface couverte par la banquise arctique (- 3.5 à 4.1\% par décennie entre 1973 et 2016, d’après les données 2020 du Climate Lab, Université de Reading), mettant en péril les écosystèmes locaux et déclenchant de nouveaux processus inquiétants (réchauffement et acidification des océans, disparition des massifs coralliens, dégel du permafrost…).

Le changement climatique menace également, à plus long terme, les conditions de vie humaine (perte de rendement agricole, montée des eaux, diffusion des maladies vectorielles…). Il s’agit donc d’un problème global invitant à questionner notre modèle de développement fortement consommateur d’énergies fossiles et à agir dans le sens d’une limitation et d’une adaptation face aux effets observés et à venir.

Le premier rapport du GIEC