Les résultats de Keeling suscitent de vives inquiétudes au sein de la communauté scientifique et dans la sphère politique. On s’interroge. Quelles seront les conséquences de l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre sur le climat ?
Au moment de la publication de l’étude de Keeling, Syukuro Manabe et Richard Wetherald, deux scientifiques de l’université de Princeton, élaborent l’un des premiers modèles globaux de climat. Le modèle calcule l’état de l’atmosphère en fonction du rayonnement solaire, des vents induits, des effets de topographie et du couvert nuageux, sans encore prendre en compte l’effet des courants moyens. Bien que le modèle soit une représentation simplifiée des processus climatiques, il permet au deux chercheurs de fournir la première évaluation des impacts d’un éventuel doublement de la concentration de gaz carbonique sur le climat global. D’après les auteurs, le doublement de CO2, c’est-à-dire le passage de 300 à 600 ppm, engendrerait une élévation de température globale de 2°C dans les basses couches de l’atmosphère (situées entre 0 et 17 km en moyenne) et un refroidissement au-delà.
Wetherald et Manabe soulignent également de fortes disparités régionales. Ainsi, l’élévation des températures de la basse atmosphère serait deux à trois fois plus élevée dans les régions polaires. Ceci vient du fait que la fonte des surfaces enneigées ou glacées amoindrit leur capacité de réfléchissement des rayons lumineux. Par conséquent, elles absorbent davantage de rayonnement solaire, ce qui accélère d’autant plus leur fonte et le réchauffement local.
Wetherald et Manabe soulignent toutefois que leur modèle est une représentation très simplifiée des processus réels. En particulier, ils considèrent une couverture nuageuse fixe ce qui est loin d’être réaliste.
Extraits de l’article Manabe S. et R. T. Wetherald. 1975. The effect of doubling CO2 concentration on the climate of a Global Climate Model
- “It is shown that the CO2 increase raises the temperature of the model troposphere, whereas it lowers that of the model stratosphere. […] the increase of surface temperature in higher latitudes is magnified due to the recession of the snow boundary and the thermal stability of the lower troposphere which limits convective heating to the lowest layer. It is also shown that the doubling of carbon dioxide significantly increases the intensité of the hydrologic cycle of the model.”
- “This warming in higher latitudes is magnified two to three times the overall amount due to the effects of snow cover feedback and the suppression of vertical mixing by a stable stratification. […] A more active hydrologic cycle is obtained as indicated by the greater rates of total precipitation and evaporation computed. […] In evaluating these results, one should recall that the current study is based upon a model with a fixed cloudiness.”